Comment faire une bonne collecte de donnée en ACV?

On dit souvent que la qualité d’une ACV dépend… de ses données d’entrée.

Et c’est assez vrai. Aujourd’hui, le suivi d’un référentiel et la maîtrise du logiciel de calcul d’ACV ne sont plus que des commodité. La qualité d’une ACV vient donc principalement des hypothèses et de la capacité de l’auteur à mener à bien sa collecte de donnée.

2 types de données en ACV

Il y a 2 types de données d’entrée:

  • les données primaires: directement collectées sur le terrain et spécifiques à l’objet d’étude
  • les données secondaires: données moyennes, statistiques sectorielles… ou simple hypothèse majorante.

On reconnaît d’ailleurs un acviste expert de son domaine à sa capacité à définir de bonnes données secondaires et à ne solliciter le terrain que pour quelques données primaires: les hotspots et les différentiations technologiques.

Mais revenons à notre sujet:

Comment obtenir rapidement et efficacement de bonnes données primaires en ACV?

La collecte de donnée en ACV, c’est comme la pêche, il existe 3 techniques:

  • La collecte au filet
  • la collecte à la ligne
  • L’élevage de données

La collecte de donnée au filet

La pêche aux données au filet est la manière la plus classique de faire une collecte de données. Elle consiste à fournir  au producteur un fichier Excel de collecte très vaste et qui a vocation à être exhaustif. 

Voici un template de fichier de collecte de donnée d’ACV typique.

On reconnaît ces fichiers de collecte à leur format en tableau.

Très utilisés dans les débuts de l’ACV et encore largement dans les cabinets de conseil, ces templates sont utiles quand on ne sait pas ce que l’on cherche… ou que l’on souhaite minimiser l’énergie de personnalisation de ces fichiers.

Attention: chaque processus doit avoir son propre onglet où il est exprimé clairement la quantité de référence pour laquelle les flux sont demandés (e.g. Une année de production, 1 kg de matière traitée,…)

Avec des producteurs de donnée motivés et maîtrisant parfaitement leurs process, cela peut donner de beaux résultats. Des fichiers de collecte globaux ont l’avantage de permettre parfois d’identifier des potentiels impacts auquels nous n’aurions pas pensé. Ils déresponsabilisent également l’auteur de ne pas avoir demandé les bonnes donnée au producteur… car il a demandé toutes les données.

La collecte de donnée au filet paraît donc être la meilleure méthode de collecte car la plus exhaustive.

Malheureusement, même si je l’utilise encore dans bien des cas, mon expérience de plus de 12 ans dans le domaine m’a montré toutes les limites de cette méthode de collecte dans la pratique.

Tel un filet, ces fichiers de collecte non spécifiques vont recueillir des données bien souvent peu significatives… tout en « laissant passer » des données très importantes. 

La collecte de donnée en filet est « flat »: Le producteur ne sais pas ce qu’il doit aller chercher de manière prioritaire. Avec beaucoup de bonne foi, il va parfois passer des heures à peser ses déchets mais calculer « à la louche » un consommable clef qui va représenter 80% de ses impacts. Il ne s’en rendra compte que lors de la restitution de l’ACV et plus personne n’aura envie d’affiner ce chiffre.

La collecte au filet devrait donc être réservé à des usages exploratoires pour des aspects d’une ACV qui ne pèseront que peu dans le résultat final et auprès de producteurs motivés et maîtrisant leurs process.

La collecte de donnée à la ligne

La pêche à la ligne consiste à se placer au bon endroit et sélectionner le bon hameçon. Comme la pêche à la ligne, la collecte de donnée à la ligne consiste à demander les bonnes données de la manière la plus adaptée au producteur.

Traditionnellement, une collecte de donnée à la ligne se déroule par une visite de terrain. Le bon Ingenieur ACV pourra ainsi:

  • Identifier les hotspots: grosses consommations énergétiques, consommables, matières premières,…
  • Collecter de premières données: « et vous en rajoutez combien de cet acide chaque jour? » posera le bon acviste en prenant une photo de l’étiquette du produit
  • Identifier la bonne périodicité de la donnée: par année, par heure, par batch, par unité produite,…

L’acviste reviendra alors avec un questionnaire de collecte (plutôt qu’un fichier de collecte) pertinent et sur mesure. Les données ACV les plus significatives (Energie, consommables,…) seront demandées en tête de questionnaire avec des unités et des périodicités adaptées au producteur et dépendante à chaque donnée.

On reconnaît ces questionnaires de collecte à leur format en ligne, ou plutôt en colonne Excel avec une ligne par donnée attendue permettant de proposer plusieurs périodicités ou unités dans une même ligne.

Les données seront organisées de la plus significative à la plus insignifiante. Ainsi, des questions sur l’origine, le mode de transport et le packaging lié à une donnée très sensible est facilité.

Idéalement, la visite de terrain permet à l’ingenieur en ACV de pré-remplir le questionnaire. Le producteur sera là pour valider les données issues du terrain et apporter celles qui n’ont pas pu être trouvées le jour même. En fonction de sa motivation, le producteur descendra plus ou moins dans la feuille Excel… et donc dans le détail. Lorsqu’une ligne n’est pas rempli, l’auteur prendra alors une hypothèse majorante tire de son expérience… ou de son chapeau. Une donnée tirée du chapeau pousse le producteur de donnée à affiner cette valeur par défaut. Au contraire, considérer une donnée manquante comme 0 pousse le producteur à ne rien remplir.

Toujours organisé avec un onglet par processus, chaque questionnaire ou onglet devient spécifique au processus étudié… et permettra donc une comparaison parfaite si plusieurs producteurs complètent le même questionnaire. 

Une fois le processus bien maitrisé, des données secondaires peuvent être affichées par défaut. En affichant des données majorantes par défaut, le producteur est incité à compléter le questionnaire et fier que ses données soient meilleurs que ceux affichés. Cela prémuni également de problèmes d’ordre de grandeur, fréquents dans les collecte d’ACV et qui viennent souvent de conversion d’unité ou de la périodicité.

Bien sûr, cette option n’est ouverte que lorsque plusieurs collecte ont été menées sur le même processus.

L’élevage de donnée

En continuant le parallèle avec la pêche, on peut imaginer le concept d’élever les données. Élever les données consisterait alors à extraire des données périodiquement d’un système d’information pour alimenter des ACV. Ainsi, des aciéries mettent à jour périodiquement leur ACV en se basant sur la conso d’énergie et de matières  des derniers mois… de manière automatique en utilisant Brightway!

On pourrait appliquer ce concept au niveau sectoriel en utilisant les données d’observatoires ou de bases de données publiques. C’est le cas, d’ailleurs, pour les mix énergétiques dont les ACV sont mises à jour chaque années grâce aux publications de l’IEA.

Que vous soyez du côté de l’ingenieur qui réalise l’ACV, du commanditaire qui va transmettre et appuyer de votre poids politique le fichier de collecte ou même producteur de la donnée, j’espère que ce partage d’expérience vous permettra de faire une collecte de donnée primaire plus efficace, rapide et motivante!